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J'observe Gerbille, qui pour la vingtième fois peut-être ce mois-ci est entièrement absorbée par une boîte cylindrique et les petites cartes qui se rangent dedans. Concentration et grands sourires heureux de sa réussite se succèdent sur son visage.
Mouflette m'interrompt : «Maman, où sont les crayons ? Je dois dessiner !»

"dois" ?! Hé oui, c'est que l'affaire est sérieuse... Si pour moi dessiner est un plaisir ou un délassement, Mouflette semble prendre chacun de ses dessins comme une étape de plus, étape du chemin qu'elle fait pour expérimenter et absorber cette action qu'elle nous voit faire depuis toute petite : tracer des signes sur une feuille.

Cette intensité, ce besoin très net de faire et de répéter certaines choses, a été observé par Maria Montessori, ainsi que par d'autres scientifiques de son époque. Elle identifie des périodes que les enfants traversent, où ils sont particulièrement sensibles à un aspect de leur environnement. Un peu, dit-elle, comme les chenilles d'un papillon, qui en sortant de l'œuf sont irrésistiblement attirées par la lumière du soleil, ce qui leur permet de quitter la sécurité du tronc et remonter la branche jusqu'à l'endroit où les feuilles sont les plus tendres. Plus tard, cette attirance disparait, et les mêmes chenilles ne cherchent plus la lumière du soleil à tout prix.
De même, dans leur besoin d'apprendre et de grandir, les enfants sont attirés par certains aspects de leur entourage. Le langage, par exemple, va les fasciner un bon moment, et cette fascination est bien pratique au moment où justement ils sont en train d'apprendre à parler. Ne vous êtes-vous jamais fait la réflexion que les petits enfants étaient impressionnants, d'apprendre entièrement une langue, sans "travailler", juste en écoutant et en essayant ? Qu'il est difficile, pour nous adultes, d'en faire autant ! ([1])

Il y a un siècle, Maria Montessori avait théorisé ces attirances des enfants par le phénomène des périodes sensibles, période du langage, période de l'ordre, etc. Elle avait eu cette idée simple et géniale : plutôt que de leur apprendre ce qu'un autre a décidé, à un moment choisi de façon plus ou moins arbitraire, laisser l'observation de l'enfant et ses propres choix déterminer le moment approprié pour certains apprentissages.

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Notes

[1] Si ces mécanismes vous passionnent, peut-être apprécierez vous, comme moi, la lecture de Comment pensent les bébés ?, de Alison Gopnik, Andrew Meltzoff et Patricia Kuhl, qui vulgarisent les récentes découvertes scientifiques à ce sujet.