Résolution de problème
Par Agnès le Vendredi 1 octobre 2010, - Tranche de vie
Il est tard, les enfants sont couchés depuis un bout de temps. Nous bouquinons dans le salon. Et tout à coup une petite voix s'élève : « J'ai peur... »
Échange de regards exaspérés. Gros soupirs. C'est qui qui s'y colle cette fois ?...
Cela fait des mois que le problème dure. Parfois ça va mieux, parfois non. Mouflette n'aime pas être réveillée dans son lit alors que son frère dort.
Avant le déménagement, son papa avait mis au point un rituel compliqué[1] qui la rassurait à peu près. Mais là elle nous appelle plusieurs soirées par semaine, et parfois plusieurs fois par soirées
Bref, c'est un vrai problème.
Dire ça, c'est déjà un peu avancer vers la solution. Je décide que cela mérite une résolution de conflit en bonne et due forme. Je prends un papier, un stylo, et je me rends dans la chambre de Mouflette, et me lance dans les 4 étapes :
Notes
[1] Si compliqué que je me gourais à chaque fois que c'est moi qui couchais les grands
Première étape : exprimer tous les points de vue.
« Tu as peur le soir dans ta chambre ? »
« oui... »
« Et comme c'est l'heure des parents, nous, nous en avons assez que tu nous appelles. »
« je sais... »
« Tu voudrais que nous cherchions des solutions ensemble ? »
« Oh oui ! »
« Je vais les écrire. »
« Oui, écris : "Comment faire pour pas que Mouflette ait peur la nuit, et que les parents puissent faire leur travail[1]". »
Deuxième étape : noter toutes les idées.
alors je les note toutes... même les plus loufoques, surtout les plus loufoques, elles permettent d'ouvrir l'imagination et d'en trouver encore plus
Je suis même prête à noter des idées qui ne m'iront pas, comme venir dormir avec elle ou la laisser nous rejoindre au salon, juste pour encourager Mouflette à s'exprimer. Mais depuis des mois que le problème se pose, elle a bien cerné nos limites, et ne propose rien qui soit trop lourd pour nous.
Troisième étape : discuter des idées
Parmi une dizaine de suggestions, nous retenons "un parent vient écouter les bruits dans la chambre quelques minutes et dire de quoi il s'agit.", "Mouflette fait le tour de la maison et vérifie que les portes sont fermées.", "Toutes les peluches viennent passer la nuit dans le lit de Mouflette."
Nous réfléchissons à comment mettre en place les idées, nous vérifions qu'elles nous conviennent bien, nous nous demandons si c'est suffisant ou pas.
Mouflette me dit : « Maman, nous n'avons que trois idées géniales, il faut en trouver plus pour que ça aille ! » Alors nous rajoutons "Faire deux affiches qui font peur sur les portes de la chambre des enfants."
Reste la quatrième étape : appliquer les idées bien sûr mais aussi prendre le temps, un peu plus tard, d'en faire le bilan, pour voir si le problème se pose toujours ou pas, si les solutions mises en place ne pèsent pas trop à l'un d'entre nous. La liste des idées est toujours disponible pour lancer le débat
(et Mouflette s'empresse de rajouter : « Oh maman, donne moi la liste, je vais la garder sous mon oreiller pour pas que les monstres la lisent ! »)
Histoire de rallonger ce billet particulièrement court , quelques réflexions :
J'ai rédigé cette histoire sur le coup, il y a deux semaines. Curieux hasard, plusieurs personnes m'ont fait part depuis de leur difficulté à coucher leur enfant. Je leur souhaite de trouver aussi leurs solutions ! Et je me dis que la notre leur paraitra peut-être trop belle pour être vraie... Est-ce toujours aussi simple, une résolution de conflit, quelques idées un peu puériles et le problème est oublié ?
Oui et non... Toutes nos résolutions de conflit ne se passent pas ainsi. Il arrive que malgré l'intérêt suscité par papier et crayon, malgré la liberté d'expression offerte, malgré le plaisir des enfants à s'approprier le problème, malgré la bonne volonté des parents, l'inspiration ne vienne pas.
Il nous est arrivé aussi qu'une vraie solution émerge, une troisième voie que personne n'avait envisagé et qui satisfait définitivement tout le monde.
Là ça n'a pas été le cas, les "idées géniales" que Mouflette et moi avons eu ressemblent plus à du rafistolage de rituel du soir. À l'usage pourtant cela a suffit. Le problème de fond, je pense, est que Mouflette n'est pas assez fatiguée pour s'endormir et n'aime pas attendre le sommeil seule, et cela, nous ne l'avons pas résolu. Mais c'est là toute la magie de cette technique de résolution de problème, c'est qu'au delà des solutions matérielles, j'espère que Mouflette s'est sentie entendue, écoutée. Qu'elle a constaté que ses difficultés d'endormissement ne nous sont pas indifférentes, que nous sommes disponibles pour en parler avec elle. À travers les quelques minutes à écouter le silence avec elle, à travers le rassemblement de peluches dans son lit, je suppose qu'elle se donne le symbole de notre présence, et que pour elle c'est beaucoup.
Notes
[1] N'allez pas lui dire qu'en fait on regarde des films sans elle hein
Commentaires
Je suis toujours épatée de tes résolutions de conflits. Parce que chez nous les idées ne fusent pas vraiment
Peut-être parce qu'il me manque la première étape
Agnès : Peut-être :??: Ou alors qu'ils n'osent pas sortir des solutions que vous avez déjà mises en place...
Ce qui m'aide c'est que j'ai l'imagination trèèès facile
Wouhaaa.... le papier et le crayon ! simple, intelligent et plus marquant que certaines négociations ! j'adore, et j'en ai bien besoin en ce moment ! merci !
Si je puis me permettre de dévoiler un secret de maman Marmotte : "Parents efficaces" de Gordon !
Agnès : J'ignore si c'est de là que les grands parents marmottes l'avaient tiré. Le coup de noter les idées vient des bouquins de Faber et Mazlish.
Aaahhh, voilà un autre point de vue pour essayer de résoudre les couchers assez rocambolesques de la grande puce (qui est du genre à non pas "j'ai peur" mais plutôt "tu sais maman/papa, à l'école, il se passe ceci et les copains ils se moquent de moi etc" ... Ce qui prend un temps certain d'écoute, de disponibilité et qui ne nous convient plus trop (surtout à R qui reste quelques fois une heure à écouter les problèmes de la grande puce et puis qui passe à bonhommet qui lui a d'autres questionnements dirons nous beaucoup plus ... astronomiques).
Je sors ma feuille et mon bic et puis nous verrons ...
Renarde a raison: Franck Gordon a semé...
ce que les marmottons récoltent
Depuis le temps que je me dis que, moi aussi, il faudrait que je trouve le temps de prendre le papier et les crayons avec Pauline (et puis avec Clémence aussi, pour d'autre choses...)
Bon, là, il va vraiment falloir que je m'y colle! (Enfin, après la conférence, parce que là, si je m'y mets maintenant, ça ne va pas marcher. Il faut avoir un peu de temps devant soi, quand même! )
Merci pour ce billet très éclairant et inspirant.