la fabrique des Marmottons

Compter, ce n'est pas uniquement réciter la comptine de 1 à 10.
Compter, c'est s'approprier le concept de chacun des nombres, l'associer à la quantité correspondante, à son nom, à son symbole écrit.
Cela fait longtemps que je joue avec les grands marmottons aux potions magiques : «Pour faire ma potion magique, j'ai besoin de... 3 brins d'herbe, 5 cailloux, 1 objet bizarre, ...», et nous ramassons, comptons, mélangeons avec plaisir.
C'est ainsi aussi que j'ai introduit le zéro, avec des réactions mitigées : Mouflette est restée très perplexe, ne comprenant pas comment elle pourrait trouver 0 pétale de fleur ; Loupiot a été enchanté de l'idée et m'a présenté ses mains vides avec beaucoup de cérémonie. Le zéro est ainsi devenu une blague entre nous, et il arrive qu'il me propose d'un air malicieux de me faire 0 bisou avant de partir à l'école.

L'activité suivante permet de lier les quantités à leur symbole écrit (ou plutôt de vérifier que le lien est fait et de le consolider, comme souvent dans les activités Montessori^[1]).
Je tend à Loupiot un petit billet plié en 4. Solennel, il le déplie, regarde ce qui est écrit, et sans dire un mot, se rend à l'autre bout de la pièce piocher dans une boîte juste le bon nombre de haricots. Il revient avec, et vérifie que ce qu'il a pris correspond à ce qui est noté sur le papier.
Je l'observe discrètement, essayant de voir où il en est exactement avec le 7 et le 8 qui lui résistent encore. Je suis surprise par son application et son enthousiasme, il me réclame un autre papier aussitôt le premier terminé, et encore, et encore. Le silence que je lui ai demandé de respecter donne à toute cette activité un aspect de conspiration secrète qui doit bien lui plaire.

Un petit exercice que Loupiot adore faire et refaire : tenter d'estimer la taille d'un objet en nombre de pièces de 1 cent, puis vérifier.
J'aime beaucoup tous les aspects de ce petit jeu tout simple : la démarche hypothèse/vérification, le fait d'avoir à dénombrer les pièces d'une façon ou d'une autre (Loupiot les compte 5 par 5), la notion de taille qui est à préciser (est-ce la longueur ? le périmètre ?), l'aspect très concret de la manipulation, l'introduction de la notion d'unité de mesure.

Souris Verte a la générosité de partager des fiches pour poursuivre l'activité des barres numériques. Comme elle n'a pas de blog, je vous les transmets en son nom :

Cliquer sur l'image pour télécharger 10 fiches pour les barres unies, pour donner des idées de combinaisons

Cliquer sur l'image pour télécharger 14 fiches pour les barres numériques, au recto les valeurs numériques dans un ordre à respecter, au verso la figure formée pour s'auto-corriger.

La première utilisation des barres numériques^[1] consiste à les aligner par ordre de taille.
Pas si simple, Mouflette se concentre, aligne correctement les deux plus petites... puis aligne les barres suivantes dans n'importe quel ordre !
Je ne dis rien, j'observe.
Les 10 barres sont à présent soigneusement alignées, dans le désordre.
Et là voilà qui reprend tout du début, cette fois sans hésitation, de la plus grande à la plus petite.
Je comprends alors qu'en alignant les barres, elle s'est donné le moyen de voir d'un coup d'œil quelle est la plus grande des barres qui lui restent à mettre

Comment cela se passe ailleurs :

• chez Charlie
• Chez Libellule

Les barres numériques, dix barres de bois rouges et bleues de 10 à 100 cm, voilà par quoi les mathématiques sont introduites dans les écoles Montessori.
Un matériel simple, attractif, efficace, pour sentir vraiment ce que sont les nombres de 1 à 10, pouvoir les manipuler, les comparer, les additionner.
C'est en voyant des photos de ces barres que j'ai eu envie de découvrir cette pédagogie de plus près (jusque là je m'intéressais surtout aux grands concepts, mais pas tellement au matériel). Je les ai donc fabriquées, à ma façon, sans connaitre exactement tout ce qu'il y avait autour.
En fait, ces barres sont faites pour être introduites après la manipulation d'autres barres, identiques mais de couleur unie, qui elles mêmes viennent après une tour de cubes et un "escalier" de pavés de tailles progressives. Tout en s'entrainant à les aligner dans l'ordre, les enfants apprennent petit à petit à reconnaitre leurs longueurs, et le jour où ils passent aux barres rouges et bleues, il leur est relativement facile de les différencier et de leur associer des noms, de "un" à "dix". (Libellule fait un très bon résumé de cet apprentissage sur son blog.)

Loupiot, lui, n'a jamais manipulé les barres unies, et je vois vite qu'il serait prématuré de lui demander de faire la différence entre la barre "cinq" et la "six", à ses yeux elles sont pareil. D'un autre côté, les exercices qui se font avec les barres unies, comme reconstituer un escalier, sont si faciles qu'il ne s'y prête qu'une fois.
Pour lui permettre de s'approprier ces longueurs, je lui propose donc de nous en servir pour mesurer.
«La petite chaise, tu penses qu'elle fait la taille de quelle barre ?» ; «Et ta petite sœur, devine quelle barre il faut pour la mesurer ?» ; etc.

Et pour finir, nous reprenons un de ses livres, et nous matérialisons ensemble les tailles des différents animaux. De la barre "un" pour un petit mammifère à toutes nos barres pour un gros crocodile, l'exercice lui parle et l'enthousiasme.

«Et 5, c'est combien ?» «Toute une main !» «Alors j'en ai une main et deux !»
Ne retenant pas le nom des premiers nombres, Loupiot les définit souvent à partir de ses doigts, ce qui est assez efficace.

Après les cartes de Robin des Bois pour associer chaque chiffre à un nombre de points, j'ai donc fabriqué des cartes qui associent aux chiffres une position de la main, cette fois ci sur le thème de Ponyo, le dernier film de Miyazaki que les enfants et nous avons beaucoup aimé.
Cliquez sur l'image pour le télécharger ! Le mode d'emploi est le même que celui des cartes Robin des Bois.

À l'usage, je pense qu'utiliser des images de dessins animés n'est pas utile. Loupiot ne prend plus le temps de reconstituer les images, il jette juste un coup d'œil au dos des cartes qu'il a assemblée pour vérifier qu'il ne s'est pas trompé.
Il me semble tout aussi efficace de mettre au dos des cartes correspondantes une couleur identique (et pourquoi pas les couleurs de barrettes de perles Montessori ? 1 rouge, 2 vert, 3 rose, 4 jaune, 5 bleu clair, 6 violet, 7 blanc, 8 marron, 9 bleu foncé). Cela permettrai aussi de mélanger les deux jeux de cartes, ou de le proposer plus tôt, pour jouer en associant les positions des mains et le nombre de points.

(édition du 20 février 2012 : j'ai finalement refait le jeu pour qu'il corresponde à mon commentaire ci-dessus, Mouflette se laissant complètement perturber par les images de Ponyo. Du coup les cartes avec illustrations sont devenus de petits puzzles pour Gerbille, et Mouflette apprend à compter avec ce nouveau jeu.)